« Combien faut-il de balles de golf pour remplir un bus ? », « Que feriez-vous si vous héritiez de la pizzeria de votre oncle ? »… À grands coups de questions piège, certains recruteurs se plaisent à déstabiliser les candidats qu’ils reçoivent en entretien d’embauche. Trois professionnels nous expliquent à quoi ça sert et comment faire face.
Des questions insolites pour mieux connaître les candidats
Même si la question vous paraît étrange, ne le prenez pas personnellement car il n’est pas rare que les recruteurs aient recours à des questions déstabilisantes pour se forger une opinion sur le candidat qu’ils ont en face d’eux. « Cela nous permet de voir quel est le comportement d’un candidat en situation de stress », explique Daniel Porot, consultant en gestion de carrière. Et pour cause : « c’est généralement lorsque celui-ci est dans une situation difficile qu’il baisse la garde et que sa personnalité ressort », poursuit Yves Maire du Poset, directeur du cabinet Piloter ma carrière.
« Pourquoi portez-vous une cravate rouge ? », « Savez-vous combien de fois par jour les aiguilles d’une montre se chevauchent-elles ? », « Avez-vous contacté d’autres entreprises ? »… Voilà le type de question que les recruteurs peuvent poser. « L’objectif est ici de pousser le candidat dans ses retranchements afin qu’il sorte de sa carapace », explique Benjamin Bara, directeur du développement chez Guy Hoquet L’Immobilier. Ce dernier a un petit faible pour les questions faisant appel à l’auto-analyse. Comme : “ Quel est votre poste idéal ? ”. « Cela me permet de mesurer la capacité du candidat à se projeter et de vérifier s’il a une vision objective du poste. »
Ces questions piège aident les recruteurs à cerner, par exemple, les capacités des managers à gérer leurs émotions, à sonder leur intelligence situationnelle ou de voir comment les commerciaux résistent à la pression et argumentent un discours. La réponse importe peu. C’est la réaction du candidat et son cheminement de pensée qui sont dignes d’intérêt.
Prendre son temps face à une question déstabilisante
Pour ne pas répondre à côté de la plaque, le mieux reste de « prendre le temps de la réflexion », estime Yves Maire du Poset, auteur de l’ouvrage Entretiens de recrutement. Dites, ne dites pas . Répondre précipitamment et de manière décalée pourrait en effet vous faire passer pour une personne susceptible. Et mentionner au recruteur que sa question n’a aucun rapport avec le poste peut être déplacé. « Mieux vaut répondre de façon transparente, en revenant sur le champ professionnel et en enchaînant sur un autre sujet », explique Daniel Porot.
Comment éviter les questions piège des recruteurs
Vous angoissez à l’idée que le recruteur puisse vous poser des questions insidieuses ? Rassurez-vous : elles sont généralement posées aux candidats sûrs d’eux. « Il serait inadéquat de mettre en situation de stress un candidat qui est déjà mal à l’aise ou introverti », concède Benjamin Bara.
Pour éviter ces questions, la première étape consiste à réaliser un CV bien construit, qui ne laisse pas de place aux doutes. « Au travers de son CV et au cours de l’entretien, le candidat doit essayer d’exprimer clairement les informations qui satisferont la bonne compréhension du recruteur », précise Yves Maire du Poset.
Pour être le plus précis possible, illustrez chacune de vos compétences par un exemple. Si le recruteur émet des doutes sur vos qualités managériales par exemple, n’attendez pas qu’ils sortent une question piège. « Prenez les devants et racontez une expérience durant laquelle vous avez fait preuve de responsabilité et vous avez pris le temps de la décision », souligne-t-il.
Le signe d’un recruteur mal à l’aise
« Poser des questions déstabilisantes est également un moyen, pour certains recruteurs, d’exprimer leur domination sur les candidats », prévient Yves Maire du Poset. Émailler l’entretien d’une ou deux questions saugrenues peut être intéressant, mais poser uniquement ce type de question est inapproprié. C’est un aveu de leur propre incompétence, estime ce professionnel du recrutement. « Si un recruteur ne réussit pas, au cours de l’entretien, à lever les zones d’ombre d’un candidat et qu’il est obligé de sortir des sentiers battus en posant ce type de questions, cela signifie qu’il est lui-même en échec », décrypte-t-il.
Un avis partagé par Daniel Porot. « Un bon recruteur pose peu de questions embarrassantes. S’il arrive à savoir ce que le candidat a fait dans le passé, il saura ce qu’il pourra faire dans le futur sans pour autant prendre l’offensive. »